dimanche, 21 juin 2009
L' Étoile et le Vampire. (Toute la vérité sur Kimberley Vlaeminck)
Il y a quelques jours, un journal prétendait qu’une jeune fille avait demandé trois étoiles au coin de l’œil à un tatoueur, qu’elle s’était endormie dans sa cabine de travail et qu’il en avait profité pour lui en tatouer cinquante-six ! C’était la Belle dans les mains de la Bête, mais ça se passait aujourd’hui, chez nous… Extraordinaire ! L’info fit le tour de la nation, traversa même la frontière linguistique. Très vite, les versions se contredirent. La Belle ne fut plus sûre de ce qu’elle avait dit. La Bête parut moins cruel. Et c’est exactement là que l’anecdote devint légende et que tout le monde s’y intéressa. Oui, tout le monde ! Tout ! Le monde ! Jusqu’en Chine ! Parce que dès lors qu’on n’était plus sûr de rien, dès lors qu’on ne tenait plus le coupable avec certitude, chacun put avoir sa propre opinion, sa vérité à lui, prétendre, penser que, savoir ceci, tenir pour sûr, de source sûre, une bière à la main, au comptoir, à l’usine, au repas du soir, avant le dortoir, devant le Bortsch, le plum-pudding, le tajine, le chili, les moules-frites…
Les Maigret d’occasion, les Sherlock à la petite semaine, les Poirot du dimanche s’en donnèrent à cœur joie. Mais moi, je peux vous dire une chose : ils ne savent pas, ne savent rien ; vous ne savez rien encore ! Moi, je sais tout ! Et je vais vous dire ce tout. Voici l’histoire de la fille qui voulait être galaxie.
Peu importe que son récit soit authentique ou pas. Peu importe qu'elle dise la vérité ou qu'elle mente effrontément. Kimberley Vlaeminck est une héroïne de roman en chair et en os. Et quelle que soit sa véritable histoire, elle est tragique, un tragique de maintenant, un petit drame de tous les jours, qu’on perçoit dans ce regard mouillé de la jeune fille qui s’égare dans un reflet qui n’est pas le sien, mais celui que le monde lui impose.
« Je sais la Vérité et je vous la dirai ! »
Peu importent aussi les théoriciens du complot qui usent de son succès pour épiloguer sur la potentialité d'une manipulation par quelque publicitaire en mal d’oseille. Peu importent les crétins — moi d’abord, hier encore — obsédés par ses incohérences, par le rôle de la presse, par l'importance ou non d'en parler. Peu importent les pires, ceux qui s'emparent d'elle pour vendre un article qui n’est que du mensonge tissé bon marché, ou une photo qui ne dira rien d’elle, ou la reproduction exacte, en décalcomanie numérique, de la constellation qui encombre son visage et son existence. Nous sommes tous ses vampires. Peu importe que je sache qu'en parlant d'elle, je serai lu.
Parce que contrairement à tout le reste du monde, à cette planète désinformée par les je-sais-tout, les je-veux-tout, les tout-est-à-moi ; contrairement à ces commentateurs qui se fendent d'un billet qui se voudra malin ou drôle ou intelligent ou que sais-je, contrairement à celui que j’étais hier ou avant-hier — qui se moquait gentiment de cette jeunesse étrange qui prétendait, face caméra !, ne pas vouloir qu’on la regarde — aujourd’hui, je sais, moi, et moi seul, la vérité sur Kimberley Vlaeminck et je vous la dirai !
Paradoxe, pour vous dire cette vérité, pour se rapprocher de la jeune fille, je dois m’en éloigner. Parce que je ne veux pas que ma vérité ne la heurte. C’est la mienne, à moi seule, pas la sienne, peut-être un peu, admettons, mais sûrement pas tout à fait. Alors, on dirait que ce ne serait pas Kimberley Vlaeminck mon héroïne. Voilà. Elle serait blonde aussi, aurait un visage de jeune fille aimable aussi. Mais c’est d’une autre fille que je parlerais, son double, celle que je vois percer sous sa peau. Ce premier rôle de telenovela qui emporte les foules loin d’elles-mêmes, qu’on aime parce qu’elle est Belle et qu’il est Bête. Que si elle est victime, on veut la protéger parce qu’alors, elle est chacun de nous. Et si elle ne l’est pas, si elle ment, on la protège encore. Parce qu’on ferait pareil qu’elle, qui ne serait alors forcément coupable de rien d’autre que d’avoir voulu être galaxie. Quelle culpabilité pourrait être plus innocente ?
Laissons là Kimberley. Il me faut un nom. Voilà, j’ai trouvé : on l’appellera Wanda. C'est joli, Wanda. Comme Kimberley, ça vient d'ailleurs et comme Kimberley, c'est joli. C’est forcément joli, un nom porté avec cette candeur-là.
« Coupable de rien d'autre
que d'avoir voulu être galaxie »
Ça a commencé dans une rue de Courtrai, petite ville flamande à la langue gutturale, brutale peut-être pour une oreille française, mais c'est une langue de Proches qui, seuls, comprennent ces mots à peine ébauchés, ces verbes amputés de leurs finales. Ce langage, c’est le flandrien ; un million de Proches le parlent. Il change d'un village à l'autre, d'une Proximité à la suivante. Il ne réunit pas les âmes loquaces par une grammaire, comme le font les langues qu’on prétend nobles, mais par un fil invisible qui relie tous ceux qui le parlent, de Proche en Proche, de Flandrien à Flandrienne. Wanda et son oncle. L'oncle et la tante. La tante et le boulanger. Le boulanger et la femme du boulanger. Comme ça, jusqu'à un million de personnes. Reliés par les lignes invisibles. Une constellation. C’est une langue qui vous claque dans le dos quand on entre chez le charcutier, sonnante, enlevée, « Hou’n’dahh, hé ! ». Cette claque de mots fait qu'on n'ira jamais, de sa vie, chez un autre charcutier que le sien, le Proche. Cette langue-là, c'est une famille.
« Elle a mal aux étoiles »
Dans cette rue commerçante aux petites maisons de dame tartine se promènent un père, une fille, une mère, un fils. Tous portent des dessins de peau, sauf Wanda. En passant devant un élégant cabinet de tatoueur, le père s’arrête. Lui propose de marquer définitivement ces quatre petites boules qu'elle se dessine chaque matin au coin de l’œil parce qu'elle trouve ça beau. « Ça ne mange pas de pain » répond-elle. En Flandrien, ça se dit à peu près : « 't ka- hhi-kwaa », ou quelque chose comme ça. Ils entrent dans le petit magasin qui sent le neuf et l’encre. Le tatoueur est là, assis à son bureau, il est une gravure, tagué des orteils au sommet du crâne. Il n'est que dessins et arabesques brunes, entrelacs inquiétants, métaux incrustés. Un de ces Aborigènes urbains isolés dans la ville, un de ces derniers Mohicans de tribus qui n’existèrent jamais que dans leurs propres rêves. Il est piqué d'anneaux, partout. Il a même des plateaux dans les oreilles et le nez. Il est de ceux qui fignolent le travail, un imaginatif.
C’est un chasseur aussi : pour rien au monde, il ne voudrait manquer l'occasion de découvrir une vocation de tatoué(e). Il sait que ceux qui « aiment ça », comme il dit, sont réticents parfois, et même : au début, ils le sont presque toujours ! Il sait donc qu'il faut en faire trop, les violer un peu, graver des épines là où ils ou elles demandent des roses. Il sait qu’ils veulent de l’excès. Ils viennent pour ça. Des dessins dans la peau. Des mamelons percés. Des organes déformés par les plateaux d’ébène ou les implants d’acier. Ils ont parfois peur de se l’avouer. Alors, il sait qu’il faut toujours en faire un peu trop. Un « non » n’est jamais tout à fait sûr.
Il fait un drôle de métier, ou rien n’est effaçable. La famille fait le tour de la boutique. C'est irréprochable. Le book de l'artiste est puissant. Wanda est subjuguée. Non… Pas subjuguée… Ce n'est pas un mot pour elle. Impressionnée irait mieux à son vocabulaire. Voilà. Elle est impressionnée. Elle promet d’être docile. D’ailleurs, elle est toujours docile. Mais ce mot-là, non plus, elle ne le dirait pas. Elle dirait simplement qu’elle est gentille, ou brave. En flandrien, ça se dit “brraav”. Elle ne prononce pas la dernière lettre. C’est un joli mot. Il ne dérange personne. Le monde va mieux quand rien ne dérange personne.
« Ses lèvres sont encombrés d'anneaux »
Le reste de la famille s’en va boire des bières dans un café tout près, avec d’autres Proches, rire, plaisanter, se taper sur le bide. On la laisse seule avec cet étrange personnage au regard foncé comme du noir de seiche derrière des petits verres de lunettes ovales. Ses lèvres sont encombrées d'anneaux au point qu'on se demande comment il fait pour parler. On la laisse avec cet homme et pourtant, lui ne comprend pas la langue de la famille, celle qu'on parle dans la ville où il a installé sa boutique et dans les villes alentour. Il est d'une autre famille, venue de Russie, installée à Paris. Sa maman lui parlait en français. Avec les Flamands, il parle donc une sorte d'anglais. Même que le père de Wanda le croit anglais. Tant mieux, elle sait quelques mots d'anglais. Pas plus de vingt. Mais on fera avec. Elle est majeure et elle se débrouillera. D’ailleurs, l’artiste ne veut pas que tout ce peuple bavarde pendant qu’il peint la peau. Et même Wanda se dit que s’ils s’en vont, elle pourra mieux décider. Elle ne sait quoi. Mais elle aura un pouvoir sur elle-même. Ce n’est pas souvent. Elle est attirée par ce pouvoir. Ses parents sont tatoués depuis toujours. Maintenant, c’est à elle ! Qu’ils sortent !
La jeune fille veut des boules. Enfin, elle pense que ça serait bien. L’Aborigène la voit hésitante. Lui donne un conseil : les boules, c'est un peu trop facile, on voit ça partout. Elle vaut mieux que ça ! Et si on lui imprimait plutôt des étoiles ?
— Oh mais oui ! Oui ! Oui ! C’est une bonne idée : des étoiles ! C'est si beau, une étoile !
Il lui montre sur un catalogue. Si elle est d’accord, il lui tatouera des étoiles sur la moitié du visage, il y en aurait des bleues, des rouges, des dorées, des noires. Elle brillera. Est-ce que cette idée lui plaît ? Oui ! Évidemment ! Oui, sûrement ! Elle est même impatiente ! Avant cet homme, personne ne lui avait jamais proposé de faire qu’on la regarde. Elle n’avait jamais eu la sensation d’être vue. On ne lui avait jamais dit non plus qu'elle était belle. À part ses proches, qui la rassuraient, « mais oui, tu es jolie », mais ça ne compte pas, ces mots-là. Et puis être jolie, ce n’est pas être belle. Alors, elle se dessinait les petites boules au coin de l'œil pour pouvoir se murmurer dans le miroir : « c'est beau ». Non pas « je suis belle », mais bien « ça, ce qu’il y a sur moi, c'est beau ! »
« Elle se demande pourquoi
le monde n'est pas un endroit brave »
Elle s’assied sur la chaise spéciale. Impressionnée. Elle a un peu peur. Ce sera douloureux, elle le sait. Elle a du courage. Le Français lui dessine d'abord les étoiles au feutre. L’invite à se lever, il y a un grand miroir au fond de la cabine de tatouage. Elle se regarde. Il sourit, un drôle de sourire, à cause de tous ces anneaux dans sa bouche. Ce sourire la regarde encore. Elle se sent importante. Elle voit bien que ça lui fera plaisir, au tatoueur, qu’elle suive son conseil. C'est bien de satisfaire les autres. Elle aime cette envie de faire plaisir qu’elle a en elle, ça lui dit qu’elle est brave. Ça lui rappelle que les Proches et les Proches de Proches, tous géants, lui disaient ça quand elle était petite : ils lui tapotaient la tête, lui donnaient un bonbon, quand elle avait bien agi, ou quand elle s’était simplement bien tenue. « T’a’n braav mêske, zé » — voilà une brave enfant, tiens !
Ça n’était pas difficile, et ça ne l’est toujours pas. Quelquefois, elle se demande pourquoi le monde n’est pas complètement comme ça : un endroit brave, sans tous ces problèmes, ces cris, ces guerres tout le temps. Être brave, comme du temps de l’enfance, c’est son refuge, c’est son chez elle. Elle a envie que ça dure. Elle a vingt ans bientôt, elle avait douze ans bientôt, où est la différence ? Qui a perdu tout à fait ses douze ans un jour ? Et celui qui les aurait quand même perdus tout à fait, qu’aurait-il fait de ses espoirs ?
« Il sait que les étoiles
ne partiront plus jamais… »
L’Aborigène la pousse au crime. Pourtant, il sait qu'elle n’a pas vingt ans. Peu importe, elle est majeure. Il sait que les étoiles ne partiront plus jamais. Peu importe, il croit qu’elle « aime ça », elle est enthousiaste, et comme lui, elle a besoin de montrer qu’elle n’est pas simplement Wanda. Il sait qu’il doit la pousser pour qu’elle avance. Après, elle sera fière d’elle. Et lui sera fier de l’avoir emmenée là où elle le voulait vraiment, à travers ces couches de peur, de qu’en-dira-t-on, de parents, de voisins, de petite ville. Il n'a pas besoin d’insister, elle accepte, elle admire, elle trépigne presque ! Alors, pas besoin de tout lui dire. De lui avouer que le tatoueur agit par le sang, blesse et éponge, qu’il boit les larmes de ses victimes consentantes. Pas besoin d’évoquer le contrat diabolique qu’ils établissent : oui, elle sera regardée par tout le monde — pour ses étoiles. Mais uniquement pour ses étoiles ! Terrible marché. Se tatouer pour être quelqu’un, et n’être alors plus que le tatouage qu’on s’est infligé. C’est parfois difficile de vivre avec ça. Il le sait. Il le tait. Toutes les vies sont difficiles.
« C’est pour toujours », il rappelle. C’est tout. Avertissement à double tranchant. Il fait peur, et c’est pour ça qu’aussi et surtout, il envoûte. « Attention, c’est pour toujours ! Rends-toi-compte, c’est pour toujours ! Danger ! Transgression ! » Il n’y a rien de plus tentant. Elle acquiesce. Il la prend. Lui pique la peau et la possède. Pour le reste de son existence, il la marque de ses morsures. L’éponge est comme une langue qui lèche les gouttelettes de sang qui affleurent parfois. Le Français qui est un totem vivant sera donc son premier vampire ! Il y aura ce lien entre eux, indélébile : la voie lactée incrustée dans sa peau de lait.
Il sait déjà qu’il va la prendre en photo, tantôt, quand il aura fini. Que la photo ira dans son book. Il lui raconte que ce catalogue de ses travaux sert à donner des exemples à ses clients. Il sait le vrai là-dedans : en réalité, les clients importent peu. Lui, est un chasseur. Cette photo, toute à l’heure, sera son trophée. Il sera fier ensuite de montrer le visage de Wanda à tous ses nouveaux visiteurs, même aux curieux qui ne se font jamais rien tatouer, et ce ne sera pas pour leur vendre le même — ô grand jamais ! elle sera unique ! — mais pour tendre ce trophée de chasse, en bon Jivaro, montrer cette myriade née de ses aiguilles et qui lui appartient à jamais. Il est désormais l’auteur de la peau de Wanda. Tout auteur réclame son droit.
« Cette photo, tout à l'heure, sera son trophée »
Il la pique et la pique encore. La possède de plus belle. La marque au fer rouge, au front. Elle frissonne de peur. Sursaute de mal. Se mord la bouche. Étrange mélange : elle n’a pas que mal. Il y a autre chose. Il est au-dessus d’elle. Ses mouvements sont précis. La piqûre est sensuelle. Il irise le toucher, au plus fin de l’épiderme, le front, le coin de l’œil, la joue. Cruel, sensuel, l’ombre de Nosferatu semble apparaît de temps en temps au fond de ses yeux aiguilles.
Wanda n’analyse pas ces sensations. Tout ça est normal. Ses parents sont tatoués, beaucoup, tous les deux. Ils n’ont jamais parlé de marque, d’indélébilité. C’est comme manger ou dormir, pas besoin de réfléchir. Elle veut seulement être eux. Et aussi, il faut qu’elle ait l'audace d'aller jusqu'au bout de ce désir qu’elle a de jolies choses sur son visage. Elle va leur montrer qu'ils sont plus proches que jamais, qu'ils sont plus famille que ça, et pour ça, elle va aller encore plus loin qu'eux, plus loin qu’ils n’ont jamais rêvé d’aller. Elle va se faire plaisir et ils vont l'aimer, leur étoile.
Après les trois premières étoiles, le totem lui demande machinalement si elle est toujours partante. Elle hoche la tête. Bien sûr ! Elle va se faire tatouer tout ça. Sa famille est partie boire des bières. Elle n'a pas vingt ans. Elle est seule chez le tatoueur. Elle a tous les choix. Elle fait le sien, comme si elle se maquillait. Fait-elle la différence entre les quatre boules qu'elle se dessine à la commissure du regard tous les jours, et cinquante-six étoiles maquillées à jamais ? A-t-elle conscience, à vingt ans, du sens de « à jamais » ? Quand on vous disait, à cet âge : « tiens-toi bien, sinon tu auras mal au dos plus tard », comment pouviez-vous comprendre ce « plus tard » qui n'appartenait qu'aux vieux, cet assassin de toutes les promesses de la jeunesse ? À vingt ans, on sait qu'on ne sera jamais vieux, un point c'est tout. Wanda n'a pas vingt ans. Pas tout à fait…
Le tatoueur tatoue au marteau-piqueur. Ses dents à elle s'entrechoquent. Elle a peur. Elle a mal. Elle résiste. Ses parents, son frère l'avaient prévenue de la douleur. Comme un défi à relever. Ils ont souffert pareil avant. L’Aborigène aussi il le lui a dit, que ça ferait très mal. Elle fixe un détail du mur, quelques grains fixés par le latex entre deux briques. Ça aide, ce détail. La douleur lui semble comme une brûlure qui s'étend, rentre profondément dans le crâne. Elle pourrait pleurer. Mais non ! Et tant mieux si c'est pénible : elle pourra dire après comme elle aura été brave, l'expliquer fièrement à la petite fille aux boucles blondes qui doit être sa cousine, qui écoute tout ce qu'elle dit, qui rit sans cesse. Cette Bouclette n'a pas encore de patronnes difficiles qui se fâchent rouge quand il reste un peu de poussière sur le dessus d’une armoire. Cette enfant à la tignasse de blé n’imagine pas que les hommes hurlent sur les autres hommes pour des peccadilles, les tapent, ou pire encore. Sur la chaise spéciale, Wanda pense déjà au moment où elle fera compter les étoiles à sa petite cousine. Elle a mal, elle sourit. Il comprend qu’elle « aime ça ». Il hoche.
« Elle a un doute.
C’est trop d’étoiles, peut-être. »
Au bout de quelques années-étoiles, il s’arrête de percer, redresse le dos pour décontracter sa nuque. Elle dit qu’elle veut voir. Il l’aide à se relever, l’amène au miroir, lui montre. Elle a un doute. C’est trop d’étoiles, peut-être. Que va dire son père ? Elle demande au tatoueur si ce ne serait pas mieux de ne faire que celles du front, celles d’en haut, pas les autres. Il lui dit qu’elle est libre. Il le lui dit, vraiment, mais avec une pointe de déception. Ce sera très bien, rien que le haut, mais ce ne sera pas la même chose. Elle trouve ça vrai, ce qu’il dit. Ce serait mieux de tout faire. Reculer, ce serait bête. Ce serait comme ne pas aller jusqu’au bout de quelque chose. Elle ne serait pas aussi fière d’elle.
Il sait : il arrivera bien sûr un moment où elle regrettera toutes ces étoiles. Se dira qu’elle aurait dû se contenter du front. Ou de rien. Mais quoi ? Même s’il ne lui en taouait qu’une, elle regretterait un jour où l’autre. Et puis ? Il n'a jamais regretté, lui ? Tous les tatoués se sont surpris à regretter leurs empreintes éternelles. C'est comme ça. On ne maquille pas impunément sa peau et son sang. Ça a un prix. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on le fait : montrer qu'on sait payer, qu’on a cette force, qu'on n'a pas peur de la douleur, des regrets, de l’irréversible. Elle payera le prix. Elle l’a voulu. Elle est majeure. C’est son métier, à lui, de marquer les gens contre un peu de leur sang, voilà ce qu’il donne ! Ses regrets à elle, comment pourrait-il s’en soucier ?
Des heures ont passé. Ils sont fatigués. Il a sucé et sucé encore le lait de sa peau. Elle est passée de l'autre côté de l'âge, dépucelée de l’innocence de son visage. Elle a résisté à toutes ces piqûres. Elle se sent forte. Le tatoueur lui demande s’il peut la prendre en photo. Ce disant, il la regarde avec une admiration étrange, il y a des éclats dans ses petits yeux sombres qu’elle n’attendait pas. Il lui dit qu'elle est « pretty ». Elle sait que ça veut dire « jolie » ou « belle » ou quelque chose comme ça. Elle a vu Pretty Woman. Alors, elle aussi, un jour, courra vers un homme gentil et très riche qui l’emmènera dans une longue voiture et elle aussi, un jour, sera une star. Pour l’instant, elle n’est que voie lactée. Mais elle se sent belle. Loin, le travail ménager qu'elle fait pour gagner des pas grand-chose. Loin, le caractère du père ou de la mère, les rodomontades, les engueulades. Loin, sa petite chambre dans la petite rue de la petite ville. Sa joue lui fait chaud, pique. Il y a des choses agréables dans cette douleur qui lui donne son pouls. Le totem prend les photos. Elle comprend qu’elle est importante. Elle sera dans ce book, pour toujours. Elle est la fille aux étoiles. Elle comprend ça, elle se sent briller, et c’est alors qu’elle donne aux étoiles de sa joue leur premier sourire. Et là, les étoiles s’allument.
« Voilà ! Elle s'est endormie ! c'est ça ! »
Le père arrive. Il a bu. Il sait boire, mais là, il a bu beaucoup. Elle sait dès qu’il entre. Ça ne va pas bien se passer. Elle s’en rend compte. Et il crie. Comment ? C'est quoi, ça ? Il n'a pas voulu ça ! C'est indélébile. Vous êtes fou ! Tu es folle ! Il crie sur lui, sur elle ! Des cris ! Des cris ! Plein l’atelier, il y en a, des cris ! des cris ! plein la boutique. Dehors, quelqu’un entend, s’arrête, épie. Wanda prend peur. Elle veut que ça ne crie plus. Elle cherche du regard un appui.
Pour arrêter les cris, elle dit tout bas que ce n'est pas elle qui a demandé ça. Qu’elle n'y est pour rien. D'ailleurs… d'ailleurs… quoi ? Oui ! Voilà ! Elle s'est endormie ! c'est ça ! Ce n’est pas de sa faute à elle. La mère lui demande si elle a bien demandé quatre boules. Elle dit oui ! Non ! Oui ! Elle ne sait plus… Ça va trop vite ! Il y a une seconde, elle était Voie lactée. Là, dans les regards du père, elle se voit idiote. Conne. Imbécile. Il hurle qu’elle ne trouvera plus jamais de travail, jamais de mari. Elle est hébétée ! Comment peut-on tomber si vite ? Assommée, petite Wanda ! Deux heures de douleur, et là, on la précipite dans les oubliettes de la vie ! On lui hurle encore qu’elle va être renvoyée de partout. Que les gens vont la regarder. Dans la rue ! Dans la petite ville ! Ils vont parler ! Les voisins ! Que vont dire les voisins ? Les Proches ? Et les Proches des Proches ? Et le charcutier ?
La jeune fille se dérobe, sent les larmes venir, c’est pire que la douleur, ce qui se passe là, c’est mille fois pire ! Elle voudrait entrer dans le miroir, être son double. Il y a cinq minutes, elle planait dans un ciel sans lune, et là, on l'amène en pâture aux voisins, à la ville, aux mauvaises gens, aux jaloux ! Elle devrait se révolter, haïr ce refus paternel, maternel, sortir, vite, courir. Mais ça, ce n'est pas elle ! Elle ne veut pas qu'on ait de la peine… Pas à cause d'elle… Non, ça n'est pas possible… Alors, elle pense à une réponse… Qu'est-ce qui a pu lui arriver dans cette arrière-boutique ? Il l'a ligotée ? Non. Elle ne peut pas dire ça. C’est son vampire après tout. Syndrome de Stockholm. Et il n’est pas monstre. Il a même été parfaitement gentil avec elle. Alors, voilà ! Elle a trouvé ! Elle s'est endormie ! Ce n'est pas sa faute à elle. Pas vraiment sa faute à lui. Il aura mal compris, il est Français. Elle ne comprend pas l’anglais.
« Le vampire envoûtant est sur le gril »
Le père l’écoute enfin. La croit. Ne la regarde plus avec cette insupportable sévérité de juste avant. À présent qu’il est solidaire, elle se sent mieux. Il pose d'autres questions. Elle répond. Elle ne ment pas, elle reconstruit. Ce n'est pas son genre, de mentir. Et puis, le vampire envoûtant est sur le gril. Lui, qui s'est inquiété quand elle sursautait. Qui a l’a rassurée, un peu bourru, mais gentil. Elle ne peut pas mentir tout à fait. Ne peut pas trahir l’Aborigène. A besoin d'un peu de vérité. Oui, c'est vrai, elle a demandé des étoiles. Mais pas tant que ça ! Voilà une vérité presque vraie. Seulement trois. Le père est hors de lui. En a contre le tatoueur. Pourrait frapper. Alors, elle avoue un peu plus. C'est tout le front qu'elle a demandé. Wanda, cherche l’équilibre pour rétablir tout ça, Nosferatu, le père, la mère, les étoiles, la honte, la douleur, le plaisir, elle veut que le mondre revienne dans sa courbe parfaite. Mais ça ne suffit pas. À présent, le père la déclare victime, et le Mohican, coupable. Il portera plainte, ça ne va pas se passer comme ça. « Viens, trésor, on rentre à la maison », la protège-t-il.
On la dépose chez son oncle, où elle vit. On l’assied, on l’entoure, on s’occupe d’elle. On l’interroge, sa tante et son oncle sont ses vrais Proches. Elle re-raconte, se justifie, décline son histoire de sommeil plusieurs fois, pour la lisser, y croire elle-même, pour construire cette vérité qui va sauver tout le monde. Elle a pu résister au scalpel de l’Aborigène, elle tiendra bien le coup, maintenant, elle est très forte.
On lui amène un avocat. Un monsieur qui sait tout, absolument tout. Il a l’air de ça. Tout ce qu’il dit inspire ça. Il ne faut pas le contredire, sinon, il arrêtera peut-être de l’aider. Il sait. Il a été à l'université. Ce ne sont pas des gens comme nous, ça, alors, il faut lui dire bonjour encore plus poliment que quand on croise son ancienne maîtresse dans la petite rue de la petite ville. Wanda est impressionnée par l’avocat. Le père explique qu'ils étaient allés boire des bières. L'avocat dit qu'il ne faut pas dire ça. Des bières, ça ne fait pas propre. Il faut dire qu'ils étaient allés manger une glace.
— Pendant deux heures ? dit le père…
— Ces détails-là n'intéressent personne, répond l'avocat. Dites « une glace » pas « une bière »
« Des bières, ça ne fait pas propre. »
Le père grommelle. Puis, il explique ce qu’il attend de l’avocat : qu’on efface les étoiles du visage de sa fille. Et puis voilà ! L'oncle, qui est aussi l’ami, celui qui prend soin d’elle quand elle ne va pas bien, trouve son histoire trop triste. Il faut punir ce tatoueur. Il ne faut plus que ça arrive à quelqu’un d’autre. C’est épouvantable, ce qui lui est arrivé, on lui a violé son visage pendant son sommeil ! Il pense qu’on peut enlever les étoiles. Elle acceptera évidemment de les enlever, pas parce qu’elle ne les aime pas, mais parce que ça va faire du bien à son oncle. Si elle gardait les étoiles, il serait triste à jamais. Ce n’est pas ce qu’elle veut.
Il la croit de bout en bout, il n’a pas le droit de la soupçonner. Il la protégera, voilà tout. Il hèle l’avocat : « La justice ne fait jamais rien, vous savez bien ! Vous dites vous-même, monsieur le Maître, qu’elle ne peut pas espérer plus que le remboursement et peut-être des dommages et intérêts. Et même s’il va un peu en prison, ce vampire, comme vous dites, ça ne réparera pas les étoiles. Monsieur le Maître, il faut faire plus ! » L’avocat comprend. Le seul moyen d’obtenir que le tatoueur paye l’effacement, c’est de faire pression. Il connaît quelqu'un à la télévision. C’est très fort, un reportage télévisé. Si elle fait ce qu’on dit, elle aura une chance que le tatoueur lui paye le laser, pour la nettoyer de sa poussière dorée.
La télévision va venir. Ça va l'aider. On dira au monde comme il est méchant, le tatoueur. Qu’il est vampire. Non, pire. Qu’il est Dracula. Non, pire encore. Nosferatu. D’ailleurs, il ressemble à ça avec sa minceur et tout le brun et le noir sur sa peau et ses plateaux dans les oreilles et ses petits yeux rivetés dans ses tatouages. C’est bien le monstre crochu de la petite cité flamande, dans la petite rue commerçante, avec ses petites griffes de peinture. En plus, il n’est pas d’ici, il ne parle pas la langue. Vous avez dit quoi ? Français ? En ce moment, la presse est friande de ces Français et de ces Belges francophones qui refusent d’apprendre le flamand. La preuve qu’ils nous font du mal ! Regardez la pauvre Wanda !
Celle-ci est épouvantée par ce qui se prépare. Mais qu'est-ce qu'elle peut faire, désormais, sinon tout ce qu’on lui dit de faire ? Pourrait-elle encore avouer à son oncle qu'elle a un peu exagéré l'histoire ? Non, ça le peinerait, ça ferait même tout capoter. On ne reviendrait peut-être jamais à l’équilibre du monde. Elle ne veut pas peiner, elle ne veut faire mal à personne. Elle accepte l’interview télévisée.
« Les histoires longues et précises, ça n'intéresse personne. »
Voilà qu’arrivent les caméras. Des gens de la ville. Ils savent y faire. Ils vont tout lui obtenir. Le laser qui tue les étoiles, les dommages, les excuses, l’assassinat médiatique du tatoueur qui n’aura plus jamais le moindre client. Tout ça, on le lui donne, et en plus, elle va passer à la télé. Bientôt, le gentil vampire de l’avant-veille devient publiquement l'horrible Dracula qui endort sa proie pour mieux lui boire le sang. La jeune fille se transforme en une innocente vierge à la peau violée dans son sommeil : sous l'emprise du monstre, elle s'est endormie ! Les journalistes simplifient l'histoire. C’est normal. Les histoires longues et précises, ça n’intéresse personne. Et il faut que le récit marque les esprits, sinon, la rédaction ne passera pas le « sujet » à la télé. Il y aura un titre, un texte, du torché. Cette fois, c'est eux qui racontent l'histoire, ce n’est plus Wanda. Elle a reconstruit, eux simplifient. Epicent. Saupoudrent. Pimentent. On ne dira pas qu'elle voulait bien les étoiles du front. Ça affaiblit le propos. On dira qu'elle en a demandé trois. Qu'elle s'est endormie. Qu'il y en eut cinquante-six après ça. Elle n’a plus rien à dire. Elle n’est plus une jeune femme, elle est un sujet pour le journal du soir.
On cherche un bon endroit pour la filmer. Dans le jardin, la lumière est bonne. Et ça fait campagne. Ça fait ressortir le bon marché de son haut de jogging. On lui demande si elle n’en a pas un avec des choses qui brillent, ça prend mieux la lumière. Tiens, on va lui mettre la petite fille blonde de cinq ou six ans dans les bras, celle qu'on a vue dans la petite maison. Elle est à croquer. Ça va contraster le drame. Les bouclettes comme celles-là, ça émeut tout le monde.
— Demande à ta petite sœur de compter tes étoiles, dit la personne venue de la grande ville. On insérera ça au montage…
La jeune fille est embêtée. Elle a tous ces gens à protéger à présent ! Son oncle, son père, sa mère, la petiote, l'avocat, l’équipe de journalistes. Même le tatoueur, elle doit le protéger d’elle-même. De son père. Le plus possible. Non, elle ne dira pas qu'il lui a tout imposé. Elle prendra un peu sur elle, tout ce qu'elle peut sans que l’histoire ne s’écroule. Elle n'est pas une menteuse. Elle ne fait pas ça pour elle, mais pour tous les autres. Elle ne profite de rien. On lui demande si elle ose sortir de chez elle. Bien sûr qu'elle ose ! dit-elle. Mais c'est une mauvaise réponse. Elle voit bien que le journaliste fait la moue. Il faut que son rédacteur en chef passe le sujet. Il veut de l’avancement. Dix ans aux chiens écrasés, ça vous mine un professionnel. Et là, il a trouvé la fille au visage d’étoile ! Vous pensez l’aubaine !
« Je n'ose pas sortir comme ça »
Mais la ville est banale, la fille est sans relief, son histoire est bancale. La télé, ça mange du dramatique, du scandale, du diffusable. Alors, Wanda change encore un peu sa version. Elle dit qu'elle oserait bien sortir, mais bon, que les gens la regarderaient, que ça ne la dérangerait pas tout à fait, mais si quand même, un peu… On la pousse encore. Juste dire la phrase « je n’ose pas sortir comme ça ». On coupera le reste au montage.
On lui demande alors de marcher dans la rue avec sa petite sœur. On la filme de loin. On lui crie de mettre son capuchon. C'est plus dramatique si elle cache son visage. Elle hésite. Pourquoi se cacher ? Elle obéit. La petiote se tourne, montre la caméra à la grande.
— Tu as vu ? Qu'est-ce qu'ils font ? Ils nous prennent en photo ? Pourquoi tu mets ton capuchon ?
— Ne les regarde pas. Ils veulent nous filmer comme on est d'habitude. Marche normalement. C'est ça qu'ils veulent. Je crois.
— Et toi ? Qu’est-ce que tu veux, toi ? dit la Bouclette .
— Moi, je veux t’entendre rire encore, répond l’étoile.
La petite a son hoquet de rires. Wanda serre très fort la main de l’enfant. Et puis, elle sourit à son tour.
« FIN »
Voilà. Vous savez tout sur Wanda. Je vous jure que ça s’est passé comme ça. Je le sais. Quant à Kimberley Vlaminck, je dois me confesser, vous dire la vérité vraie et remettre le monde en équilibre. En fait, je n’ai aucune idée de ce qui a bien pu se passer chez le tatoueur, chez son oncle, avec l’avocat ou les journalistes. Je voulais juste attirer l’attention sur ce caractère qu’elle a, Kimberley, de vouloir aider, de prendre sur elle. Elle est courageuse, cette fille, et aimable. Il faudrait simplement que les vampires arrêtent de s’abreuver de sa blancheur, cessent de sucer chez elle ce qu’ils ne sont pas capables de donner eux-mêmes. Elle ne veut faire que du bien et nous ne lui faisons que du mal. Et cette fois, comme à chaque fois que j'écrirai sur elle, je promets que c'est bien la dernière fois que j’en parle…
— Monsieur ? Monsieur ?
Oh-là ! pardon ! J’avais oublié. On m’appelle. Je vous laisse, je suis pressé. On m’attend pour tatouer un cœur.
Sur une main.
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Commentaires
Du Sel cosmique!! Quelle voix lactée....
Écrit par : Claude | dimanche, 21 juin 2009
Répondre à ce commentaireA trop parler de Kimberley-Wanda qui a offert son visage au martyre stellaire, on en oublierait presque Neda, qui a offert un visage au martyre des opposants iraniens… Ce visage aussi vient de faire le tour du monde. Pour d’autres raisons. 16 ans à peine.
Autre icône du sensationnel… Un visage chasse l’autre.
Écrit par : Karine | lundi, 22 juin 2009
Répondre à ce commentaireBien vu. Je n'avais pas l'info.
http://www.lefigaro.fr/international/2009/06/21/01003-20090621ARTFIG00119-neda-martyre-de-la-contestation-et-icone-du-web-.php
Mais à cette histoire-là, que puis-je ajouter?
Écrit par : Marcel Sel | lundi, 22 juin 2009
Répondre à ce commentaire"Nausicaa la princesse des étoiles" s'est égarée sur Tatooine ...
(quant au Poirot du dimanche, il m'a bien fait rire, j'ai imaginé une moustache-vinaigrette!)
Écrit par : Nekkonezumi | lundi, 22 juin 2009
Répondre à ce commentaireJ'adore extraordinairement cette idée. Je vais lire les notes avec intérêt.
Écrit par : Viva | vendredi, 09 septembre 2011
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